LIBERATION: Oswaldo Paya, président du Mouvement chrétien de libération et dissident cubain

Oswaldo Paya, président du Mouvement chrétien de libération et dissident cubain:

Liberation

«Le changement se produira rapidement, c’est inévitable»
Par Claire VOEUX
QUOTIDIEN : Lundi 18 septembre 2006 – 06:00
La Havane envoyée spéciale

http://www.liberation.fr/actualite/monde/205052.FR.php

Oswaldo Paya, président du Mouvement chrétien de libération (MCL), est l’un des principaux dissidents «de l’intérieur» contre la dictature cubaine. Il milite pour une évolution progressive du régime vers des élections libres et la liberté d’association. Il avait reçu en 2002 le prix Sakharov des droits de l’homme du Parlement européen

Le Sommet des pays non alignés s’est terminé ce week-end à la Havane… Le régime pensait en faire une vitrine. Qu’en est-il ? 
L’événement illustre surtout le gouffre qui existe entre les dirigeants de ce pays et le peuple. Depuis plusieurs semaines, en prévision de la venue de tous ces chefs d’Etat, les habitants de l’île sont traités comme des ennemis : ils sont systématiquement contrôlés, surtout les jeunes, les voitures ne circulent plus librement, les dissidents sont davantage surveillés et de nombreux prisonniers ont été changés de prison. C’est un comble pour un sommet censé défendre le droit des peuples. D’un autre côté, les Cubains n’ont reçu aucune information objective, ni sur le sommet lui-même ni sur l’étrange substitution de Fidel par Raúl. Le peuple ne sait presque rien de ce qui se passe depuis l’annonce de la maladie de Fidel, le 31 juillet…


Depuis plusieurs semaines, en prévision de la venue de tous ces chefs d’Etat, les habitants de l’île sont traités comme des ennemis : ils sont systématiquement contrôlés, surtout les jeunes, les voitures ne circulent plus librement, les dissidents sont davantage surveillés et de nombreux prisonniers ont été changés de prison. C’est un comble pour un sommet censé défendre le droit des peuples. D’un autre côté, les Cubains n’ont reçu aucune information objective, ni sur le sommet lui-même ni sur l’étrange substitution de Fidel par Raúl. Le peuple ne sait presque rien de ce qui se passe depuis l’annonce de la maladie de Fidel, le 31 juillet..

.Le régime basculera-t-il si Fidel Castro disparaît ? 

L’espoir d’un changement politique et social ne peut reposer sur le souhait de la mort de qui que ce soit. Il est surprenant de voir que le monde entier spécule sur la «succession» et le «modèle chinois» [une évolution vers plus de libertés économiques, ndlr], comme si l’avenir du pays se jouait dans les hautes sphères du régime : c’est au peuple cubain et à personne d’autre d’en décider ! Plus que la mort de Fidel, c’est l’inefficacité du modèle castriste qui fera basculer le régime. Cela dit, l’annonce de la maladie de Fidel a provoqué de grandes attentes. Pour la première fois, les Cubains se sont trouvés face à la possibilité concrète d’un changement. Et je pense qu’il se produira rapidement. C’est inévitable.

Mais depuis le 31 juillet, rien ne bouge… 

Le système communiste est un expert de la «paralysie anticipée». Plutôt que d’avoir à réprimer un mouvement, il fait tout pour le stopper en amont. Ainsi, par exemple, les dissidents ont été constamment réprimés. Le gouvernement a tout fait pour nous diviser et nous infiltrer. Mais nous sommes des mouvements émergents et reflétons l’opinion d’une grande majorité de Cubains. Les gens ne supportent plus l’idée de vivre ne serait-ce qu’un an de plus dans une telle situation. Ils finiront par protester à leur tour. Ensuite, l’issue peut être fatale et sanglante. J’espère qu’elle ne sera que tendue et progressive. Pratiquement tous les mouvements de l’opposition se battent pour une transition pacifique.

Comment envisagez-vous l’après-Castro ? 

Après le projet Varela [pétition réclamant des changements démocratiques qui a recueilli environ 25 000 signatures, ndlr], nous avons rendu public un programme de transition, baptisé «Tous cubains» et élaboré après un dialogue de deux ans avec des milliers de Cubains de l’intérieur et de l’extérieur. C’est une base de réflexion avant qu’un texte définitif soit soumis à référendum. Nous ne voulons en aucun cas d’une intervention extérieure, ni même d’une Constitution rédigée par d’autres gouvernements ou empruntée à un autre pays. Dans ce document, nous réclamons avant tout la libération des quelque 300 prisonniers politiques, sachant qu’aucun dissident n’a été détenu pour des actes de violence. Nous défendons aussi la réconciliation nationale et le pardon. Nous n’allons pas commencer à nous juger les uns les autres et entrer dans un cercle infernal de vengeances et de punitions. Nous devons surmonter quarante-sept ans d’oppression, mais aussi accepter qu’elle fasse partie du passé.

Que faire des millions de Cubains exilés ? 

Ils font partie intégrante de la nation cubaine. Ils ont tout à fait le droit de revenir et de disposer de leurs droits de citoyens. Mais je ne pense pas qu’ils puissent revendiquer leurs anciennes maisons parce qu’il faudrait alors expulser des familles qui y sont installées depuis des dizaines d’années.

L’éducation et la santé ont souvent servi à justifier le régime, à l’intérieur comme à l’étranger… 
Dans notre programme de transition, nous conservons ces acquis importants de la révolution. Mais la santé et l’éducation ont justifié la privation de tous les droits politiques et économiques. Cette dictature n’est pas «meilleure» qu’une autre, au Chili ou en Argentine, par exemple, parce qu’elle est de gauche. Il ne faut pas oublier que des milliers de personnes ont été fusillées et que des millions d’autres se sont exilées depuis 1959.

Vous sentez-vous particulièrement menacés en ce moment ? 

Les dissidents pourraient bien se retrouver en première ligne. Si le régime vacille, les chivatos [mouchards du parti chargés de la surveillance des «activités contre-révolutionnaires», ndlr] ont reçu l’ordre d’éliminer physiquement les opposants. Depuis deux ans environ, je sens que la pression monte autour de ma famille et de mes amis. Quand je pars faire un tour à vélo, j’ai huit voitures derrière moi. Quand je vais à la plage avec ma femme et mes enfants, on me prend en photo. Ils sont même allés jusqu’à placer des micros au-dessus de mon lit. Le 9 juillet, alors que nous revenions de l’église avec ma femme, des dizaines de policiers, des membres des comités de la révolution, du parti, nous attendaient. Ils se sont mis à chanter l’Internationale devant chez nous, ont dessiné des caricatures contre Bush et le blocus, criaient et lançaient des pierres. Et, sur la place au bout de la rue, ils ont peint un mur d’une immense fresque : «Dans une cité assiégée, la dissidence est une trahison.» 

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