Cuba, la dissidence reste divisée face au régime de Castro

LE MONDE 250705
Cuba, la dissidence reste divisée face au régime de Castro
LE MONDE | 25.07.05 | 13h44 • Mis à jour le 25.07.05 | 20h01
LA HAVANE de notre envoyé spécial
A population exprime de plus en plus ouvertement son mécontentement, mais l’opposition cubaine reste divisée. Aux coupures de courant quotidiennes, s’ajoutent les dévastations de l’ouragan Dennis, qui a endommagé 120 000 logements et fait 1,4 milliards de dollars de dégâts, aggravant encore un peu plus le climat social. «On s’approche d’une explosion sociale» , met en garde Manuel Cuesta Morua, porte parole de l’Arc progressiste, mouvement d’opposition social-démocrate. Le congrès de l’Assemblée pour promouvoir la société civile (APSC), tenu les 20 et 21 mai, a mis en évidence la ligne de fracture au sein de la dissidence. Les querelles de personnes, les rivalités, le climat de suspicion créé par l’infiltration d’agents de la police politique (la Sécurité de l’Etat) dans les mouvements d’opposition, favorisent le morcellement. Mais les divergences sont plus profondes.
L’INFLUENCE DE MIAMI
Le président américain George Bush, qui avait envoyé un message enregistré, a été ovationné par la centaine de délégués présents au congrès. Tenants de la ligne dure, les organisateurs Marta Beatriz Roque, René Gomez et Félix Bonne défendent l’embargo américain et refusent toute négociation avec le régime. En revanche, ceux qui n’ont pas participé au congrès de l’APSC, comme le Mouvement chrétien de libération (MCL) d’Oswaldo Paya ou l’Arc progressiste, s’opposent aux sanctions américaines et prônent une transition par la voie du dialogue et de la réconciliation entre Cubains, sans ingérence des Etats-Unis.
«Cette réunion ne peut être qualifiée de congrès de l’opposition, car la majorité des groupes importants n’y a pas participé. Pas plus que la majorité des épouses de prisonniers politiques» , souligne Oswaldo Paya, dont le Projet Varela, réclamant des changements démocratiques par la voie du référendum, a été signé par plus de 25 000 Cubains. «Pour nous, il s’agit d’une question d’éthique, car depuis des années les dirigeant s de l’APSC, de concert avec des secteurs très puissants de l’exil de Miami, n’ont cessé de nous critiquer et d’organiser des provocations pour saboter le Projet Varela, alors que nous étions persécutés par la Sécurité de l’Etat. Nous avons été soumis à un feu croisé, à un bombardement par les radios de Miami.» La principale cible de la vague de répression du printemps 2003 était le Projet Varela, soutient-il : «Plus des deux tiers des 75 dissidents condamnés étaient liés au Projet Varela. Le régime a tenté de paralyser cette initiative citoyenne, constitutionnelle et pacifique, menée dans la transparence et dans un esprit de réconciliation . C’est un fait que plusieurs des agents infiltrés -qui s’étaient démasqués pour témoigner contre les 75- étaient de proches collaborateurs de Marta Beatriz Roque.»
La division de la dissidence interne reflète le nouveau rapport de forces, né à Miami de la scission de la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), la plus puissante organisation de l’exil jusqu’à la mort de son fondateur Jorge Mas Canosa, en 1997. Alors que les nouveaux dirigeants de la FNCA adoptaient une position plus modérée, soutenant le Projet Varela et se rapprochant des démocrates en Floride et à Washington, les tenants de la ligne dure, soutenus par les législateurs cubano-américains, quittaient la Fondation pour créer le Conseil pour la liberté de Cuba (CLC), qui entretient d’étroites relations avec le sénateur républicain Mel Martinez et le sous-secrétaire d’Etat Roger Noriega, et dont l’influence n’a cessé de grandir au sein de l’administration Bush. Comme les petits groupes d’exilés Alpha 66 et Mouvement du 30 novembre, jadis partisans de la lutte armée, le CLC appuie ouvertement l’APSC.
«A Miami, comme à Cuba, il existe une véritable terreur verbale, un langage de la peur. Mais le groupe qui a le plus d’influence politique ne représente pas la majorité des exilés cubains, qui souhaite des changements pacifiques dans l’île. Certains secteurs de Miami sont déconcertés et mal à l’aise lorsqu’ils voient que les protagonistes du changement sont les Cubains de l’intérieur» , souligne Oswaldo Paya.
Comme M. Paya, Manuel Cuesta Morua, souhaite que l’Union européenne réclame plus activement la libération des prisonniers politiques, mais aussi l’ouverture d’un dialogue national «entre Cubains.» Dans une lettre adressée au groupe socialiste du Parlement européen, M. Cuesta Morua a demandé à «la gauche démocratique internationale» de s’engager plus dans le processus de transition cubain, pour éviter que ses termes ne soient dictés «par la droite et les Etats-Unis.» Mais l’un et l’autre ont conscience que la crise de l’Europe politique, ouverte par les «non» français et néerlandais au référendum constitutionnel, renforce le poids de Washington et des ultras de Miami.
«TENDANCES SECTAIRES»
«Le MCL d’Oswaldo Paya est le mouvement le plus important numériquement et l’Assemblée de Marta Beatriz Roque le plus pluraliste» , affirme Elizardo Sanchez, qui préside la Commission cubaine pour les droits de l’homme et la réconciliation nationale. «La durée de la transition renforce les tendances sectaires et les conflits de personnes, mais quand on regarde les documents et les déclarations, on constate que Oswaldo et Marta Beatriz Roque sont d’accord sur 90 % des sujets. La vérité est que le mouvement dissident n’est pas décisif, il joue surtout un rôle de témoignage. Le pouvoir continue d’agir sans se soucier de l’opinion publique ou des facteurs internes de pression, il n’y a aucun contrepoids» , ajoute ce vétéran de la dissidence.
Jean-Michel Caroit

Rafle répressive à la veille du 26 juillet
Cuba a lancé une rafle contre l’opposition, à la veille du mardi 26 juillet, anniversaire du début du mouvement de Fidel Castro, l’attaque contre la caserne Moncada en 1953. Vendredi, une trentaine d’opposants ont été arrêtés pour les empêcher de manifester devant l’ambassade de France. Parmi eux, Marta Beatriz Roque, libérée samedi, a expliqué que leur intention était d’exiger la libération des prisonniers politiques et de montrer à l’UE que son dialogue avec La Havane ne mène nulle part. «Le chemin passe par la rue et nous allons utiliser la rue dans tout le pays, de manière pacifique, avec les mains dans le dos» , a-t-elle déclaré. Le régime a organisé des manifestations devant le domicile de plusieurs dissidents. «Nous ne voulons pas de presse étrangère, presse gusana -vers de terre- qui aide les contre-révolutionnaires» , a lancé un des manifestants. «Notre peuple est le maître de nos rues» , avait justifié le ministre des affaires étrangères, Felipe Perez Roque, reçu à l’ambassade de France, le 14 juillet, pour la première fois depuis la vague répressive de 2003.
Un responsable de l’opposition cubaine, Félix Bonne Carcaces, a été libéré lundi ainsi qu’un autre militant, ce qui porte à 16 le nombre d’opposants remis en liberté sur les 29 interpellés. Félix Bonne Carcaces, l’un des deux vice-présidents de l’Assemblée pour la promotion de la société civile (APSC, illégale) interpellés, «est en liberté», a indiqué le porte-parole du mouvement.­
(AFP, EFE.)

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